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jeudi 23 juillet 2015

La tenaille des deux parasitismes


« Le défaut atavique de la gauche, c’est l’assistanat. Le défaut atavique de la droite, c’est la rente. »

Cet aphorisme de Louis Pauwels était déjà une grille de lecture fort pertinente il y a quelques dizaines d’années. De nos jours, où les lignes politiques des deux camps traditionnels se sont déplacées et brouillées, l’aphorisme reste intact dans sa signification et permet d’y voir clair vis-à-vis des pièges que nous devons éviter. Qui plus est, la marque d’un esprit fort est de ne pas oublier de donner un coup de griffe à son propre camp, de savoir se remettre en question, ce qu’aucun des grands partis traditionnels ne sait plus faire.

La France se retrouve aujourd’hui enserrée entre deux positions intenables, souvent caricaturales. Les adeptes d’une puissance étatique forte ne veulent pas admettre que son poids, son coût de fonctionnement et surtout son inertie et ses gaspillages ne sont plus tenables. Je précise tout de suite que je suis un fervent partisan d’une puissance publique forte et interventionniste. Mais les tenants de ce rôle important de l’état négligent trop souvent de comprendre comment une administration peut devenir une bureaucratie.


Une bureaucratie naît de la lente dérive d’une administration, qui laisse s’installer en son sein des pouvoirs locaux dont l’objectif premier est de se générer sa propre activité, indépendamment de l’intérêt public et des administrés. Par exemple, le délire d’inflation réglementaire en France provient de cette mécanique de la bureaucratie : édicter un nouveau règlement devient une fin en soi, car c’est un indicateur d’activité permettant à un service de Bercy de se mettre en valeur face à des services concurrents. Produire des règlements devient le moyen privilégié d’affirmation de son existence. De tels services peuvent tourner en boucle fermée jusqu’à même être « débordés » selon leur logique interne, et demander sans cesse des ressources supplémentaires même si leur activité n’a plus rien à voir avec l’intérêt de leurs administrés.

Les chefs de tels services sont souvent des roitelets, et c’est au sein de telles entités que l’on rencontre rapidement toutes les formes de l’abus de pouvoir : népotisme, clientélisme, voire franche corruption. Ces services deviennent de véritables noyaux durs, au fonctionnement opaque, assurant un certain confort à leurs membres, qui touchent un salaire pour des activités qu’ils auto-proclament sans forme de contrôle. Toute administration doit être constamment vigilante vis-à-vis de ce travers récurrent qui la guette, car la tentation est grande de détourner ainsi le fonctionnement public pour un important confort personnel. La puissance publique en France ne souffre pas de l’importance des investissements que l’on consacre à chaque ministère, mais du fait que ces investissements sont perdus dans l’alimentation de telles structures parasites. Voici pour l’assistanat.


Face à cela, les néo-libéraux ont beau jeu de dénoncer les carences de l’état. Et dans leur monde binaire la seule solution est limpide : elle consiste à se jeter dans les bras de la régulation par le seul marché, et dans le démantèlement drastique de pans entiers de la puissance publique.

Sans redéployer tous les arguments afférents, ce que ces dévots ne voient pas est que le néo-libéralisme n’est en rien un gage d’efficacité : il ressemble de plus en plus à la brutale économie de rente du XIXème siècle, visant à faire capter par des hommes qui ne le méritent plus du tout l’initiative et la valeur d’hommes bien meilleurs qu’eux. Je ne rentrerai pas plus avant dans la démonstration du fait que le libéralisme sans frein converge infailliblement vers cette autre forme de parasitisme qu’est l’économie de rentiers. J'ai déjà abondamment traité le sujet à travers les articles suivants :





Le néo-libéral est tout aussi myope et non lucide sur la dérive naturelle d’une économie totalement dérégulée vers un monde de faussaires et d’imposteurs - non d’hommes entreprenants et dynamiques - que l’inconditionnel de l’état ne l’est sur la dérive naturelle des administrations en bureaucraties.

L’économie véritablement efficace, celle qui met en avant et récompense les entrepreneurs et innovateurs, est incompatible avec la « concurrence pure et parfaite », du fait d’un mécanisme mis en lumière par Joseph Schumpeter, montrant que concurrence et création de valeur sont deux forces contradictoires qu’il faut maintenir en tension équilibrée pour un bon fonctionnement de l’économie.

Cette tension créatrice requiert au passage un fort interventionisme de l’état dans l’économie pour protéger et stimuler l’innovation, comme le font du reste très bien les Etats-Unis, l’un des pays les plus interventionnistes au sein des économies de marché. Contrairement aux rêveries des néo-libéraux – ils n’ont généralement jamais mis les pieds longtemps en entreprise – c’est l’alliance du secteur privé et d’un secteur public fortement interventionniste qui crée les conditions d’une économie efficace.

L’aphorisme de Pauwels est très éclairant. Car ces deux protagonistes, l’inconditionnel de l’état et le néo-libéral, ne sont opposés qu’en apparence. Ils présentent finalement le même défaut : celui du parasitisme, décliné selon les deux principales variantes de l’assistanat et de la rente. Un travers très humain qui consiste finalement à capter le maximum de ressources des autres sans faire grand-chose soi-même.

La France est enserrée très fermement aujourd’hui dans la tenaille de ces deux parasitismes. Il faut donc réformer l’état sans pour autant verser dans la religion de la dérégulation et des lendemains qui chantent du néo-libéralisme. Certains imbéciles patentés de la presse française, qui croient connaître le monde de l’entreprise mais ne connaissent que le bavardage formaté de leurs salles de rédaction, devraient y penser un tant soit peu, avant de nous infliger leurs panégyriques libéraux.

Deux initiatives permettraient de desserrer un peu les pinces de la tenaille :

  •    Appliquer un principe de « pollueur – payeur » aux administrations, en considérant que de nouveaux règlements sont une pollution. Les administrations seraient tenues de remplir elles-mêmes les formulaires qu’elles exigent des entreprises, notamment des PME qui ont peu de moyens, non de les leur faire remplir. Et l’indicateur d’activité et de reconnaissance ne serait pas le nombre de règlements édictés, mais le nombre d’aides que l’administration a apportées en remplissant les formulaires et effectuant les démarches à la place des entrepreneurs. Avec une telle mesure, l’inflation administrative s’arrêterait très rapidement.
  •     Faire intervenir la puissance publique pour stimuler et protéger nos entreprises les plus innovantes dans le domaine du numérique. Notamment protéger beaucoup mieux leur propriété intellectuelle à l’international, sponsoriser leur activité, par des financements, des infrastructures ou du matériel. Enfin créer une filière de développeurs informatiques d’élite, ceux-ci étant souvent déconsidérés et insuffisamment rémunérés dans les grands groupes français, incapables de comprendre que la création de valeur peut varier de 1 à 100 selon la qualité du développeur. C’est un trait récurrent du néolibéralisme que de préférer l’apparence de l’efficacité à l’efficacité véritable.

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