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mardi 29 décembre 2015

Les GAFA, paradoxes de l’économie de marché


Les GAFA, ces géants du digital actuellement tous américains, sont cités comme modèles de l’économie ouverte et loués ad libitum par les chantres de la mondialisation.

Au-delà des postures superficielles, l’observateur attentif remarquera que plus que jamais, il n’existe pas un seul mais plusieurs capitalismes, souvent contradictoires.

Les GAFA sont à ce titre de véritables paradoxes. Les thuriféraires du néo-libéralisme devraient y prendre garde, car ces sociétés pourraient s’avérer être les plus grands adversaires de leur idéologie creuse.

La rentabilité est une tyrannie inefficace

La première vache sacrée du néo-libéralisme que les GAFA immolent allègrement, est la notion de rentabilité. Non que ces entreprises ne soient pas rentables : elles font sauter pour la plupart tous les seuils de retour sur investissement, à l’exception d’Amazon.

Mais précisément, elles se distinguent comme championnes de la rentabilité parce qu’elles se sont gardées d’y accorder trop d’importance. Celui qui ne pense qu’en termes de rentabilité ressemble à un sportif qui scruterait son score en permanence avec anxiété et perdrait ainsi tous ses points. Il faut beaucoup oublier la rentabilité pour être rentable et ne pas se laisser enfermer dans sa tyrannie.

Avant d’être les championnes que l’on connaît, les GAFA sont toutes passées par des phases où leurs objectifs et leurs stratégies se moquaient visiblement de tout retour sur investissement. Apple a essuyé des pertes record dans son histoire. Google a investi à perte dans Google Maps pendant des années, en en faisant quasiment une entreprise philanthropique, avant que l’on ne s’aperçoive que cette infrastructure leur conférait un avantage décisif sur les très juteux services géolocalisés. YouTube est encore l’une de leurs plateformes qui perd de l’argent. Facebook mit longtemps avant d’atteindre le point de retour sur investissement équilibré, et fait de sa gratuité un point d’honneur. Enfin chacun sait que le modèle économique d’Amazon est actuellement à perte.

Tous les fondateurs des GAFA suivent un principe directeur simple : si un produit rend un service notable à un grand nombre de personnes, et qu’il permet d’améliorer son quotidien même dans de petites choses, il connaîtra tôt ou tard le succès. Nul besoin de se lancer dans de savants calculs de ROI, dont les hypothèses changent d’ailleurs beaucoup plus rapidement que leur horizon de prévision. Tous les « business model » du monde ne valent pas l’idée simple qui rend incontestablement service. Le créateur d’une entreprise numérique qui connaîtra le succès applique en quelque sorte la maxime chrétienne … et le reste te sera donné par surcroît.

Il n’y a pas de secteur ou les banquiers et financiers soient davantage tenus à l’écart que dans les GAFA. Ce n’est pas en prêtant allégeance aux financiers et à leurs critères que l’on réussit : c’est en les remettant à leur place – celle de simples auxiliaires – et en les matant, que l’on finit par dépasser de loin leurs critères de rentabilité. La finance est anti-auto-réalisatrice : respectez là et elle vous méprisera et vous conduira à la ruine. Dédaignez là et elle vous courra après.

Les créateurs de GAFA ont été invariablement accompagnés par des parasites boursiers chantant leurs louanges, tandis qu’eux-mêmes les méprisaient souverainement pour leur absence totale de création de valeur. Lorsque Manuel Valls choisissait la City de Londres pour clamer son « I love business », il montrait par là son ignorance complète du monde de l’entreprise : s’il y a bien un lieu dont le « business » et la valeur économique et humaine ont fui à toutes jambes, c’est une place boursière.


Offrez quelque chose de gratuit pour vous valoriser

Le principe du « freemium » - une première offre de services gratuits en préalable à la suite des autres services - est maintenant une pratique courante et admise du développement d’une société numérique. Au-delà de son aspect astucieux et attractif, le freemium est révélateur d’un changement important de paradigme dans le rapport de l’annonceur au consommateur.

Celui-ci fait clairement comprendre qu’il n’admet plus d’être assailli de promotions publicitaires si les marques qui les postent n’ont pas fait leurs preuves auparavant. Le bombardement publicitaire de masse ne provoque plus qu’une extinction de l’écoute, le consommateur ne prêtant plus attention qu’aux enseignes qui auront démontré leur capacité à lui apporter quelque chose.

Non seulement ces premières approches sont gratuites, mais elles sont discutées et soupesées à travers les réseaux sociaux, jouant le rôle ancestral du village ou du souk dans l’évaluation des réputations de chacun. La relation commerciale ne se conçoit plus qu’à travers un rapport donnant / donnant, le premier pas gratuit devant être fait par la marque. Le paradoxe des entreprises qui engrangent le plus de valeur est de favoriser une importante offre gratuite. L’avidité au gain que l’on pense consubstantielle à l’homo economicus moderne, pour que fonctionne la sacro-sainte main invisible, est maintenant une idée vieillie et obsolète.


La croissance, c’est l’interaction

Dans les modèles économiques classiques, la croissance d’une société est généralement entreprise pour obtenir des économies d’échelle, ou encore faire produire une partie des biens dans des zones géographiques à bas coût. La croissance ne se pense qu’en vue d’un gain en rentabilité. L’état d’esprit des fondateurs de GAFA est tout autre : seule la poursuite de leurs idées de services au client est importante et guide le reste. La croissance n’est employée que relativement au développement de ces services.

Les GAFA se lancent dans des stratégies de croissance explosive, n’hésitant pas pour cela à creuser dans leur rentabilité immédiate. Car pour un fondateur du numérique, la croissance n’est qu’une question d’interactions : l’achat de nouvelles sociétés est celui de pièces manquantes du puzzle de leurs nouveaux services, nullement l’instrument d’une guerre des prix et des coûts par n’importe quel moyen.


Vive l’intervention publique !

Encore un lieu commun qui tombe : l’essor du numérique ne met pas à l’écart les acteurs publics, bien au contraire, notamment aux Etats-Unis. La recette d’une petite société devenant un géant du numérique tient en une articulation astucieuse du privé et du public. Il ne s’agit pas bien entendu de réalisation directe par l’état (le syndrome Bull), mais d’un accompagnement permanent : les instances publiques fédérales et locales deviennent les « anges gardiens » de la société en devenir, la subventionnant ou lui prêtant des biens immobiliers lourds, protégeant sa propriété intellectuelle, parfois de façon offensive en attaquant des sociétés étrangères concurrentes, accompagnant ses actions de rachat.

Axelle Lemaire retint bien cette articulation du public et du privé, lors de sa rencontre avec Jay Nath, responsable de l'innovation à la mairie de San Francisco, et mesura à quel point les deux secteurs étaient imbriqués dans les hauts-lieux de l’innovation nord-américaine.

Le gouvernement fédéral tient également à garder la haute main sur des rachats de sociétés numériques américaines, les protégeant de reprises par des compagnies étrangères. La sécurité du territoire a fourni un extraordinaire alibi à cette intervention étatique directe, les industries du digital ayant été classifiées comme stratégiques.

L’opposition à des rachats s’appuie sur l’amendement Exon-Florio, adopté en 1988, restreint au départ à de vraies problématiques de sécurité nationale. Il a suffi d’élargir cette clause en 1992, par le nouvel amendement Byrd, qui permet au gouvernement américain de s’opposer à n’importe quel rachat d’une société numérique américaine sous le prétexte flou de la « sécurité nationale ».


Les « élites » de l’UE veulent nous adapter à la mondialisation : ce sont eux qui n’y ont rien compris

Les chantres de la mondialisation, les libéraux entonnant l’hymne de l’économie de marché, ne connaissent rien au monde de l’entreprise pour n’y avoir jamais mis les pieds. Leur monde n’est pas celui de l’activité et de la valeur économique, mais celui des cocktails mondains, des appareils bureaucratiques tels que l’UE, de la médiocre littérature ou presse économique de bas niveau, des conseils d’administration et des jetons de présence auxquels ils viennent se raccrocher sans eux-mêmes rien créer.

Personne ne voudrait d’un Alain Minc dans la Silicon Valley ou à Shangaï : les personnages creux n’y font pas long feu, et une économie conduite par la finance est la marque de ceux qui manquent d’imagination. Les thuriféraires du néo-libéralisme, incapables de penser un modèle autre que celui de l’abaissement illimité du coût du travail, abandonnant toute notion de métier et de compétence pour des marchés interchangeables et standardisés, n’ont rien compris de ce que sont les véritables règles de la mondialisation.

Ils se veulent à la pointe de la modernité, il n’y a pas plus obsolète que leur idéologie financière de parasite, de rentier vivant sur le talent et le mérite des autres. Leurs appels à un monde ouvert ne concernent ironiquement que de moins en moins de personnes, une petite caste très fermée sur elle-même ne défendant plus que des privilèges rances.


Ce n’est en rien un hasard qu’un Steve Jobs ait aimé se ressourcer dans l’All One Farm ou dans un ashram : la véritable création de valeur flirte toujours avec la vie communautaire et les expériences qui ont relié la Californie à l’Inde. Construisons par nous-mêmes les règles d’un monde ouvert : ceux qui prétendent nous y amener n’y connaissent rien, aveuglés par leur idéologie vieillie.


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1 commentaire:

  1. Il est clair que le problème n'est pas le capitalisme, mais la spéculation à outrance. Au point de ruiner volontairement tout un pays, comme la Grèce ; en spéculant sur la "chute" (nouvel outil financier, s’enrichir sur l’appauvrissement d’une valeur !), et ce en toute légalité. 5 fortunes en banques privés, peuvent s'enrichir sur le dos de millions de personnes, sans être poursuivies par "la justice". Les multinationales peuvent continuer d'économiser de l'impôt public grâce à des pirouettes fiscales, (Google économise 2.3 Milliards d'impôts par an ?) ... Et nos politiques sont « noyautés » à tous les niveaux, avec ce qui s’appelle les « lobbyistes ». Ce n'est pas l'industrie qui pilote le monde, ce sont les grands "propriétaires". Cela n'a pas changé, cela empire même. Quel travailleur peut désormais s'enrichir de son seul travail ? L'enrichissement, c'est désormais pour les riches, ou ceux qui auront la bonne idée, au bon moment, et encore, en général, ils perdent le contrôle, ne gardent que 20%, au mieux... Mais réjouissez-vous, les chantiers navals de Yacht de luxe fonctionnent à plein, il y a de plus en plus de riches ! Evidemment, il faut créer plus de pauvres pour cela, y compris des travailleurs pauvres… Depuis la crise, la pression augmente, le pouvoir d’achat stagne, ou se réduit, 20% de Burnout de plus en 10 années… Mais jusqu’à quand ?

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