Que révèle cette
candidature ?
Démagogue, sexiste, raciste, grossier, simpliste, vulgaire, inconscient, …
aucun épithète n’a manqué à l’appel dans les jugements portés sur Donald Trump,
y compris et en premier lieu en provenance de son propre camp politique.
Je refuse de rentrer dans ce débat, de rentrer dans cette guerre des
jugements et des alertes. Il est impossible à ce stade de savoir qui est Donald
Trump, quelle est la mesure de ce qu’il pense sincèrement et du personnage
qu’il joue, des dérapages voulus ou non contrôlés, de la part de bêtise ou de
provocation savamment calculée.
Certaines interviews suggèrent que le personnage est plus complexe qu’il
n’y paraît, que la folie de nos interventions au moyen-orient qui ont plongé le
monde dans le chaos lui est évidente, qu’il paraît presque sage sur ces sujets.
Ses déclarations publiques sont quant à elles inquiétantes, mais à un point tel
qu’en sonner l’alerte est un truisme.
Aussi la question n’est pas tant de s’horrifier de la candidature de Donald
Trump que de savoir ce que signifie qu’une telle candidature ait été rendue
possible. Quelles sont les vagues de fond plus profondes qu’il est possible de
détecter, derrière le fait que le candidat élu et désigné des républicains est
à présent un tel homme ?
Vous avez dit violent et grossier ?
Inutile de revenir sur le vocabulaire et les fameuses tournures du candidat
républicain : elles font la joie de la presse et des réseaux sociaux.
Reste à savoir ce qu’est la véritable violence verbale et psychique, ainsi que
la vulgarité, au-delà des apparences immédiates.
En matière de violence psychologique, la perversion est toujours plus forte
que l’expression directe. Dans ce domaine, Trump est un amateur : beaucoup
trop direct pour être manipulateur, il fait sourire ceux qui exercent la vraie
violence, ceux qui se donnent des dehors convenables et raisonnables, mais
intérieurement méprisent l’être humain qu’ils ont en face d’eux.
Un bon échantillon de la véritable violence verbale et psychologique nous a
été donné il y a quelques mois, lors du vote du Brexit. Jamais un tel
déferlement de haine et de mépris de l’autre ne fut aussi patent, de la
part de ceux qui se plaisent à donner des leçons dans ce domaine.
Extraits :
« Ce référendum a fait ressurgir l'autre Angleterre,
celle des hooligans et des Little Englanders. Cela semble méprisant? Oui. Je hais les
nations, épiphénomène sanglant de l'histoire humaine, et méprise les nationalistes.
(Gaspard Koenig) »
Commentaire : Gaspard Koenig sait très bien
quelle est la différence entre un patriote et un nationaliste, et que nombreux
sont les premiers parmi les partisans du Brexit. Il se garde bien de faire
cette différence, ni de rentrer dans ce qui aurait été une véritable analyse de
la conciliation entre identité et ouverture. Il est beaucoup plus simple
d’ignorer les distinctions chez l’adversaire, pour les noyer dans une seule
catégorie infamante. Le mépris total de l’autre est toujours accompagné de la
malhonnêteté intellectuelle, autre forme de la violence.
« C’est la victoire des
casseurs et des gauchistes débiles, des fachos et hooligans avinés et embiérés,
des rebelles analphabètes et des néonationalistes à sueurs froides et front de
bœuf (BHL) »
Commentaire : Il faut donc considérer selon
BHL que la quasi-totalité de la rédaction de « Marianne », de
« Causeur » et du « FigaroVox » est constituée de « fachos
avinés et embiérés ». On notera au passage l’extrême violence dans
l’essentialisation de l’autre : les adversaires de BHL, de l’UE et de la
mondialisation heureuse sont cantonnés dans une sous-humanité de nature.
« British 'deserters' will face the
consequences » (J.C. Juncker)
Commentaire : La violence du parrain qui
use de la menace et de l’intimidation, du racketteur jurant qu’il punira et
rendra la vie impossible à celui qui ne se plie pas à son chantage, est un
grand classique. Il est toujours amusant de noter cette convergence entre les costumes
trois-pièces / cravate des petits hommes de l’UE prétendument distingués et les
pratiques de petites frappes.
« Ceux qui ont fait cette réconciliation
franco-allemande avaient raison contre les peuples. Il y a des moments où il
faut prendre ses responsabilités. Si le peuple veut la peine de mort, je suis
contre le peuple, parce que la peine de mort, c'est indigne de l'humanité. Il faut arrêter de dire que le peuple a
toujours raison. Quand un peuple vote pour l'extrême droite, quand un peuple
vote pour le nazisme, il n'a pas raison, même si c'est le peuple ! » (Cohn-Bendit)
Commentaire : Cohn-Bendit a visiblement oublié l’ironie mordante de
Bertolt Brecht, pourtant l’un des fonds culturels qu’il revendique : « Puisque le peuple vote contre le Gouvernement,
il faut dissoudre le peuple ». Notre cher Dany ne se trouve pas ainsi
aux côtés du talentueux metteur en scène, mais au sein de la pièce pour tenir fort
bien le rôle de l’imbécile suffisant se prenant pour une élite. On notera
au passage la sempiternelle utilisation du point Godwin et l’essentialisation
de l’adversaire ravalé au rang de rebut de l’humanité. Voter pour le Brexit est
donc assimilable à l’adoration de la croix gammée. Le langage a été si déformé
et vidé de sa substance par nos « élites » que les mots perdent un
par un leur signification. Une faute d’autant plus grave si le terme de
« nazisme » perd son sens, à l’heure où il faudrait le réserver à des
réalités hélas présentes de notre temps, mais certainement pas là où on le
pense. Enfin, il est savoureux de voir l’ancien chef de file de 68 habité par
une mentalité digne d’Adolphe Thiers. L’imposture des faux révolutionnaires
mais vrais opportunistes ne surprendra que les cerveaux affadis :
Cohn-Bendit est tout à fait à sa place dans le camp des Versaillais, il a
toujours rêvé d’y appartenir, dès les barricades.
« J’ai presque envie de dire que les jeunes devraient
avoir deux voix dans un référendum sur l’UE (François Fillon) ».
Commentaire : j’ai réservé le meilleur pour la fin. Pas de commentaire
explicite, l’énormité de la proposition et la discrimination anti-vieux et anti
mal votants parlant d’elle-même. Bien entendu, ce cher François a dû
s’apercevoir de la maladresse de son dérapage en même temps qu’il prononçait
cette pertinente proposition, surtout sur le plan de la rentabilité électorale,
certainement pas sur celui de la morale, il ne faut tout de même pas pousser.
Il crût bon d’ajouter que sa remarque était faite « sur le ton de
l’ironie », s’enfonçant encore un peu plus : prendre ouvertement les
gens pour des imbéciles par le cynisme glacé de ceux qui se pensent supérieurs
est encore l’une de ces marques d’extrême violence, de non-respect absolu de
l’humanité. Il est vrai que notre si distingué François nous a montré par la
suite combien il aimait plaisanter dans la bonne humeur : son fou rire
inextinguible avec Bernard Cazeneuve en pleine messe d’hommage au père Hamel
qui venait d’être égorgé montrait cet excellent tempérament. Lorsque le cynisme
et le mépris total du peuple atteignent le haut de la jauge, il arrive qu’ils
débordent, éclaboussant de fange et d’excréments les si jolis complets trois
pièces en pleine cérémonie.
D’autres exemples de cette violence extrême et feutrée nous sont donnés
régulièrement. Ainsi de ce cénacle de patrons d’Air France, dont l’attitude
boursouflée d’arrogance satisfaite à l’égard d’une de leurs salariées était
visible à l’œil nu dans cette vidéo :
Une telle prétention satisfaite est toujours proportionnelle à
l’incompétence crasse de celui qui la commet. Le distingué état-major qui se
rengorge sur cette vidéo venait d’enfoncer la compagnie aérienne encore un peu
plus dans le rouge économique. C’est en cela qu’il ne faut nullement rentrer
dans le mode de protestation des « petits » contre les
« puissants » contre de tels personnages : ce serait leur faire
bien trop d’honneur. Il faut leur retourner leur mépris glacé, leur faire
sentir qu’eux-mêmes ne sont que des déchets sans aucune valeur, des imposteurs
terrifiés à l’idée d’être un jour balayés comme de la saleté par une élite
véritable.
Terminons cette visite du musée des horreurs de l’ultra-violence feutrée
par un pourvoyeur inépuisable : Jean-Claude Juncker. Il faut remercier le
président de la commission européenne pour nous révéler si souvent au grand
jour l’inconscient inavouable du néo-libéralisme, de cette étrange dictature
qui ne dit pas son nom, cette usine à captation de la valeur d’autrui pour le
profit de quelques parasites. Est-ce un effet de l’excès de boisson dont le
président de la commission est coutumier ? Parfois, les exhalaisons fétides
du cloaque mental ne peuvent être contenues à l’intérieur, mais remontent à la
surface pour éclater en bulles telles que celles-ci :
« Il ne peut y avoir de choix
démocratique contre les traités européens. »
« Bien entendu, il y aura des transferts
de souveraineté. Mais serais-je intelligent d'attirer l'attention du public sur
ce fait ? »
Le cynisme des « élites » atteint dans ce cas une telle cote
d’alerte qu’il ne s’embarrasse plus de précautions. Traduit dans le langage de
leurs excrétions mentales, cela donne à peu près ceci : pourquoi éviter de
faire comprendre aux gens que nous les prenons ouvertement pour des
imbéciles ? Ayant affaire à une sous-humanité, il n’est même plus
nécessaire de prendre ce soin.
Le sale gamin et les vrais
salauds
Prendre ouvertement les gens pour des imbéciles et les considérer comme des
déchets humains est le soubassement mental du néo-libéralisme, idéologie
régnante des 40 dernières années. J’ai déjà eu l’occasion d’analyser en
profondeur les principes inconscients qui guident ceux qui suivent cette
idéologie dans le texte suivant, montrant que nous ne sommes pas exposés à
« une ère du vide » ou à une « perte de sens », mais au
contraire à un sens fort, plein et entier, dont le discours implicite est à
hurler :
Les postes de direction politiques et économiques ont ainsi été investis
progressivement par des psychopathes et pervers narcissiques en lieu et place
de véritables dirigeants. Il ne faut, encore une fois, pas les combattre sur le
mode de la plainte et de la révolte, qui serait leur faire trop d’honneur, mais
leur renvoyer leur mépris. Le cauchemar du pervers narcissique qui nie
l’humanité d’autrui est de se voir lui-même considéré comme un moins que rien,
son univers totalement égocentré étant son seul horizon.
Face à l’extrême violence mentale de ces prétendues « élites »,
les foucades de Trump apparaissent non seulement bénignes mais presque
rafraîchissantes de candeur. Trump a probablement considéré des milliers de
fois que l’interlocuteur qu’il avait en face de lui était un con et le lui a
dit, mais sans doute pas qu’il était un sous-homme en demeurant dans une
perversion silencieuse.
Celui qui insulte, tempête, éructe est certainement vulgaire, mais il
montre par là qu’il nous considère tous humains, lui comme nous. Lorsque l’on
rentre dans l’arène en se salissant ainsi les mains, on fait signe que l’on est
soi-même au sein de l’humanité, que l’on appartient à la condition humaine
parmi les autres, même pour les apostropher. L’excrétion mentale n’est pas
celle de l’insulte voyante, mais celle du mépris glacé, de l’indifférence, de
l’absence silencieuse et hypocrite d’empathie, parce qu’elle sépare
implicitement l’humanité en deux.
Il faut dans ce domaine beaucoup se méfier des apparences. L’intérieur et
l’extérieur d’un homme peuvent être en totale opposition. Le général George Smith
Patton haranguait ses hommes en jurant comme un charretier, mais intérieurement
tenait une noblesse et une notion impeccable de la dignité humaine. Lorsque les
autres étaient des « sons of bitches », ce qui était d’ailleurs assez
souvent affectueux, il faisait comprendre voire disait explicitement qu’il était lui-même un sacré « son of a bitch ».
A contrario, beaucoup se pinceront le nez et offriront un extérieur très
policé, mais maintiendront un cloaque mental véritable, celui de la véritable bassesse
qui nie l’humanité de l’autre.
Si beaucoup d’électeurs se tournent vers Trump, ce n’est pas par un goût
particulier et un peu vulgaire pour les tycoons à la moumoute peroxydée et
proférant des gros mots, comme aimerait à le croire notre « élite »,
y voyant là une confirmation de la nature inférieure de la partie de l’humanité
qu’ils exploitent.
Si beaucoup d’électeurs se tournent vers Trump, c’est parce qu’à tout
prendre, entre l’éructation grossière mais sincère, et le mépris glacé caché
derrière de fausses valeurs, il faut préférer l’éructation. Trump n’est peut-être
pas sympathique, mais il bénéficie de l’affection que l’on a pour le sale gamin
lorsqu’il est au milieu de vrais salauds, notamment lorsque ces derniers sont
des monuments d’hypocrisie et de cynisme.
Le grand talon d’Achille des pervers narcissiques est de considérablement
sous-estimer les hommes, et de penser que l’on peut prendre impunément une
majorité d’entre eux pour des imbéciles, parce que telle est la loi du monde.
Sur le long terme, les hommes sont et seront toujours d’une très grande
lucidité, même lorsque cela n’est pas apparent. Et la majorité des hommes est
parfaitement lucide sur ce que vaut notre « élite » - c’est-à-dire rien
- la rendant pour cette raison très nerveuse, expliquant ses débordements de
haine récurrents.
Le vote pour Trump n’est pas un vote d’adhésion, son
« programme » est d’ailleurs extrêmement flou. Ce n’est pas non plus
un vote de protestation ou de colère, excuse trop facile souvent invoquée par
ceux qui se pensent supérieurs, pensant que « le peuple ne maîtrise pas
ses pulsions », quand eux-mêmes sont habités par des pulsions infiniment
plus répugnantes. Le vote pour Trump est simplement un message de ceux qui
veulent signifier qu’ils ne sont pas dupes et qu’ils ne se laissent pas tromper
par la hiérarchie des apparences.
La ruse de la raison et la survie
de la civilisation
Hegel introduisit la notion de « ruse de la raison » pour
expliquer certains détours inattendus de l’histoire. Certains événements qui
semblent provoqués par la pure passion d’un seul ou de quelques hommes se
révèlent être l’instrument de la civilisation, qui avait besoin de passer par des
détours pour franchir un cap historique.
Ainsi, la biographie de Thémistocle donne l’image d’un dirigeant
humainement critiquable, en proie à de fortes passions personnelles.
Thémistocle fut pourtant l’homme de la situation qui permit à Athènes sa survie
face à l’empire Perse. La lecture selon la ruse de la raison dira que les
outrances de Thémistocle étaient le vecteur nécessaire pour que la Grèce
athénienne voie le jour. De semblables lectures furent faites quant à la
personnalité d’un Churchill. Les passions de certains hommes réalisent un
dessein historique qui échappe à eux-mêmes, même lorsque ces passions suivent
des détours qui semblent absurdes.
Mes lecteurs savent que je ne suis en rien Hégélien et encore moins
historiciste. Je ne fais donc pas appel à la ruse de la raison parce que je
crois en sa réalité, en la marche d’une « Idée » façonnant le destin
historique du monde, et que l’intelligence humaine ne peut déchiffrer et
comprendre qu’a posteriori. Mais elle est une grille de lecture du monde qui
s’avère utile dans certains cas, si l’on n’oublie pas qu’elle n’est qu’un
simple moyen de présenter les choses. Et elle est probablement très adaptée à
la compréhension du « cas » Donald Trump.
La civilisation va être confrontée dans les prochaines années à l’un de ses
plus graves périls, qui s’avérera peut-être plus dangereux encore que le
nazisme : l’islamisme. Son règne signifierait la destruction de toute
forme évoluée de pensée et de l’ensemble des héritages humanistes, occidentaux
ou non. Vicieux, intelligent, cohérent, l’islamisme s’insinue dans toutes nos
failles et exploite toutes nos démissions, notre incapacité à distinguer la
tolérance du relativisme, la justice de la victimisation, la méritocratie de la
course aux ambitions.
Dans l’ordre des causes, j'ai rappelé dans un autre texte que ce péril est
d’autant plus redoutable qu’il est engendré en partie par nous-mêmes :
Le néo-libéralisme, fondé sur la considération d’êtres humains comme des
déchets a vu apparaître l’islamisme comme la pustule apparaît sur le corps
malade. A force de cultiver ce cloaque intérieur, il a été rendu explicite par
des agents qui préfèrent le renvoyer à la face du monde et mettre
l’équarrissage de l’humain en pratique, afin que cela soit dit sans hypocrisie.
L’islamisme n’est en rien l’adversaire du néo-libéralisme, ni son contraire
logique parce que l’un se présente comme moderne et l’autre comme archaïque.
L’islamisme, c’est le portrait de Dorian Gray du néo-libéralisme, l’éruption de
ses stigmates traduisant son état intérieur qu’il cherche à enfouir mais qui déborde
sous la masse de ses turpitudes. L’islamiste agit par la violence mimétique
chère à René Girard. Il n’y a d’ailleurs pas plus assujetti aux valeurs
factices qu’un islamiste, à la fois fasciné et haineux de grosses cylindrées et
de filles faciles, sa spiritualité de pacotille n’étant issue que de sa
frustration de n’avoir pas réalisé ce rêve inconscient.
Je l’ai également déjà écrit, ce n’est en rien une excuse ou même une
circonstance atténuante à l’islamisme, comme le pensent certains qui renvoient
du coup la responsabilité à l’occident : complotistes et islamo-gauchistes
en font leur beurre rance. Il n’y a aucune excuse à l’islamisme pour la raison
simple que le combat contre le néo-libéralisme peut prendre de toutes autres
formes, légitimes celles-ci, à commencer par toute entreprise
auto-gestionnaire. La liaison entre néo-libéralisme et islamisme est celle de
la cause mécanique, non de la justification morale. Néo-libéralisme et
islamisme sont tous deux adversaires de l’humanisme, il n’y a donc pas à verser
dans la repentance ou la culpabilité, mais à retrouver le véritable fonds de
nos civilisations.
Nous allons donc devoir rentrer en situation de combat. Lorsque c’est le
cas, l’homme civilisé doit affronter un paradoxe : rentrer en combat
signifie faire taire en grande partie son intelligence ou sa conscience, faire
taire les discussions ou les objections, être totalement déterminé.
Il n’y a que ceux qui idéalisent le combat, c’est-à-dire ceux qui ne l’ont
jamais connu en pratique, pour imaginer qu’il peut y avoir un combat conscient,
lucide, moral. Une fois rentré dans le combat, il n’y a plus rien qui fasse
appel à la conscience : la morale a lieu avant, lorsque l’on a encore le
loisir de délibérer de ce qui est moral ou de ce qui ne l’est pas.
C’est pourquoi il faut très fortement soupeser les raisons qui nous
poussent à rentrer en combat avant de décider de le faire, car une fois dedans,
il sera trop tard pour savoir si elles sont fondées ou non. Rentrer en combat
nécessite de fermer son intelligence, d’abandonner en grande partie sa
conscience en espérant la retrouver à la sortie.
C’est ici que Trump est peut-être l’instrument de la ruse de la raison. L’homme
qui affirme maladroitement ce qui est à faire, sans se poser de questions,
abruptement et de manière fausse dans les moyens, mais souvent exacte dans
l’objectif. Quelqu’un qui ne passera pas son temps en repentance, en fausse
raisons, en préservation d’un humanisme d’apparat destiné à s’auto-glorifier ou
à cultiver son clientélisme et ses intérêts personnels.
Parce que le combat nécessite de faire taire un temps notre intelligence,
nos délibérations trop conciliantes, trop compromises ou trop complices, les
détours de l’histoire nécessitent peut-être de passer par Trump pour que plus
tard notre civilisation survive.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, aussi contradictoire le
personnage de Trump fût-il vis-à-vis de la civilisation, nous savons maintenant
que c’est pour échapper à des hommes qui la nient et la démolissent bien plus
fortement en se donnant des allures respectables que nous emprunterons ce
détour inattendu. Espérons qu’une fois ce détour emprunté, nous verrons le
retour d’une élite véritable aux commandes, celle qui terrifie les actuels
imposteurs, celle d’hommes qui ont l’humilité de l’empiriste, le courage de la
confrontation au réel, la simplicité qui est la marque des grands.
La morale de la ruse de la raison est celle du fameux « dîner de
cons ». Ceux qui se pensent supérieurs mais sont en réalité infiniment
plus vulgaires et plus sales que ceux qu’ils méprisent pourraient être pris à
leur propre système de pensée. Si Donald Trump est élu, le traditionnel dîner
de Thanksgiving qui aura lieu quelques semaines après l’élection leur
rappellera qu’ils sont devenus les dindons de leur propre farce.
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